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Marlyse chargée de mission à Douala

Bonjour,
Je suis Marlyse Misseke, coordinatrice de l’association à DOUALA.
Je vous invite à la découverte de cette ville à travers une petite historique du chef des Douala.

Héritier du trône des Bell, une des plus prestigieuses dynasties Sawa, Son Altesse Sérinissime le prince René Douala Manga Bell est un chef respecté qui veut faire réaliser le saut vers le modernisme à son peuple. En même temps qu’il rêve des Etats-Unis d’Afrique.


Journaliste de par son parcours professionnel, son altesse royale René Douala Manga Bell, puisqu’il est le seul chef traditionnel sawa à bénéficier de cette appellation, est contraint d’abandonner le «plus beau métier du monde» en 1966 pour se consacrer aux destinées du canton bell et du peuple Sawa en général. Ça dure depuis 43ans, et malgré le poids de l’âge, il est toujours autant déterminé à mener les batailles utiles pour sa communauté.

Assis majestueusement sur son trône au dessus duquel se trouve un grand portrait de lui, «sangoa su», littéralement, notre père comme l’appellent affectueusement les fils de son terroir, a le visage fatigué lorsque nous débutions notre entretien. Son épouse rappelle alors au reporter de ne pas le submerger de questions et de photos, parce qu’il n’a pris son petit déjeuner. Il est alors 13h15. En effet, le prince René Douala Manga Bell est un homme très sollicité et ne veut décevoir personne, quitte à se priver. Dans sa chemise enfilée dans le pagne, une paire de chaussures noires, son attachement aux ancêtres; masques ; une grande clé blanche au cou, et un bracelet de la même couleur autour de son bras , symboles du pouvoir traditionnel, le 7ème king Bell est une source intarissable d’anecdotes, s’exprimant de façon limpide et agréable. Blagueur à certains moments, préoccupé à d’autres, il lui arrive même d’élever la voix, notamment lorsqu’il exprime son mécontentement face à certaines situations. La question foncière à laquelle font face les «Douala», et pour laquelle il ne ménage aucun effort, le préoccupe au quotidien. Mais il aussi et surtout celui qui a su, dans diverses circonstances politiques et citoyennes plutôt difficiles, préserver l’indépendance et le poids de son autorité traditionnelle.

Alexandre Ndoumbè Douala Manga Bell
L’histoire de René Douala Manga Bell, c’est celle du petit fils ainé de Rudolph Douala Manga Bell, résistant camerounais exécuté par les Allemands le 8 août 1914, suite à son opposition au projet d‘urbanisation de la ville de Douala. Contrairement à ce dernier et à son père Eitel Douala Manga Bell, purs produits de l’école allemande, le prince René commence ses classes à Douala, avant de s’envoler pour la France. Parti du Cameroun en 1948, il suit une formation militaire qui le conduira au front de Tonkin, sous les ordres du général de Lattre de Tassigny, alors gouverneur de la République française en Indochine. A son retour trois ans plus tard, le futur prince opte pour le journalisme et entre au centre de formation de journalisme professionnel de la rue du Louvre à Paris, qui deviendra par la suite le Centre de formation et de perfectionnement en journalisme de Paris. Il y apprendra les techniques de l’information et de la communication. Après 15 ans de pratique du métier, tour à tour à la radiodiffusion-télévision française, à l’Office de la collaboration de la radiodiffusion africaine(Ocora), le journaliste est obligé de rentrer au bercail en 1966, à un âge où l’expérience du métier de journalisme commençait à prévaloir. Ainsi s’achève prématurément la passion de l’homme. Et pour cause Alexandre Ndoumbè Douala Manga Bell, oncle de René, qui a lui-même hérité le pouvoir de son père Rudolph, meurt le 19 septembre 1966. Son fils ainé, successeur naturel de la dynastie étant lui aussi décédé quelques années plus tôt, son neveu René est désigné comme son successeur traditionnel. C’est ainsi qu’il s’installe sur le trône des « Bell ». Il n’a que 39 ans lorsqu’il s’engage à poursuivre l’œuvre et les batailles entamées par son grand père et son oncle. Comme il l’aura appris au côté de ce dernier, qui l’a d’ailleurs élevé en France, il se met tout de suite au service de son peuple pour la défense et la préservation de leurs intérêts. Dans ce registre on ne saurait trop souligner son déploiement pour lutter contre l’urbanisation du canton Bell, et de la ville de Douala, en général, dont il dit qu’elle a énormément désavantagé les « Sawa ». Ne concevant pas que les plantations et les terres léguées par leurs ancêtres ne leur appartiennent plus. Il assimile alors son action à ce que prône l’Onu, et défend les droits de ces derniers qui se voient par la suite restituer leurs biens. Dans son mètre 56 qu’il porte allègrement, ses déclarations qu’il accompagne d’actions, font de lui un personnage frondeur, mieux la force de la parole. Mais «René» c’est aussi ce rassembleur, ce pacificateur qui écoute tout le monde et qui sait faire sien le souci de chacun des ressortissants de son «unité de commandement» et même au-delà.

Le « Ngondo »
La charge dont hérite l’époux de Delphine Eboumbou Douala Manga Bell est lourde. Elle ne se limite pas, en effet, à son seul canton «Bell». Douala, son village d’antan, est aujourd’hui une ville tentaculaire de plus de deux millions d’habitants. Elle s’est confortée comme la capitale économique d’un Cameroun, et partant de toute l’Afrique centrale. Elle s’affiche fièrement comme la porte d’entrée et de sortie pour toute une sous-région au potentiel énorme et aux enjeux géostratégiques colossaux. Dans un tel contexte, comment continuer à faire vivre la tradition, comment préserver, face à l’inévitable pression foncière, le domaine communautaire traditionnel ? De 1995 à 2000, René Douala Manga Bell s’est attaqué au plus difficile. Après plusieurs années d’interruption, la relance du «Ngondo», le ciment de l’unité du peuple Sawa, préoccupe particulièrement le prince,. Il lui a surtout donné une représentativité traditionnelle plus large, en lui associant l’ensemble des peuples «Sawa», de Campo à Mamfé, en passant par Nkongsamba. Ce qu’il appelle lui-même le «grand Sawa». Ayant pris le flambeau de cette assemblée traditionnelle pour la seconde fois, il y a 11 mois, le chef supérieur du canton «Bell» peut se targuer d’avoir obtenu 5000 mètres carrés de terrain par le chef de l’Etat, pour y ériger le siège permanent du «Ngondo». Après avoir «joué aux enfants de la rue de 1914 à 2008», tient-il à souligner, car jusque là, c’est le palais du King Akwa qui servait de locaux à l’auguste assemblée des chefs Sawa. De retour d’un séjour au Canada en août dernier, où il prenait part à «Ngondo Canada», il a pu ramener dans ses valises la promesse des contributions de la diaspora «Sawa» de ce pays, qui financera en partie la construction du futur siège permanent du Ngondo. Il ne compte pas dormir sur ces lauriers, et envisage de pérenniser la modernité entreprise par son prédécesseur. Ainsi, mettre sur pied un «Ngondo» qui ait une certaine lisibilité tout en dépassant les reflexes et les pesanteurs du folklore, tel est son crédo. À ce sujet il révèle qu’ «une réflexion est en cours pour doter le Ngondo de centres de profit qui constitueraient autant de sources de revenus». Tout un programme.

Et quand il aborde la question de l’affirmation identitaire des Sawa, c’est, le ton empreint de regrets qu’il s’exprime, estimant que ces derniers ont encore du chemin à faire. «Les avis sont unanimes que la culture est portée par la langue qui la véhicule. Je constate simplement que les langues Sawa sont en déclin au profit notamment du français, particulièrement au sein des jeunes générations. Ils parlent le français à la maison, même avec leur grand-mère, et sont de piètres locuteurs de leur idiome maternel. Historiquement, le Sawa, peuple côtier, est un peuple de pêcheurs. Mais on constate aujourd’hui que les jeunes Sawa ne savent ni pêcher, ni même tenir une pagaie» fulmine-t-il. Avant de reconnaitre que la faute revient peut-être au Ngondo qui n’a pas su préserver et défendre l’identité culturelle Sawa. Quoi qu’il en soit, pour l’heure les regards sont tournés ailleurs, notamment à l’événement «Ngondo». Lancée il y a deux semaines, l’édition de cette année atteint son apothéose ce dimanche 6 décembre 2009. «Nginy’a mulema», thème retenu cette année et par ailleurs impulsé par le prince, constitue un vaste programme pour ce dernier. En effet ce thème renvoie à une expression consacrée en français, «à cœur vaillant, rien n’est impossible». C’est une invite aux filles et fils Sawa à la témérité, la hardiesse, l’intrépidité dans l’effort. «Le Sawa doit cesser d’être le petit trouillard qui bat en retraite face à la moindre adversité». Entendez par là, le message du berger envoyé à ses brebis.

Politique
Se considérant comme apolitique, le roi des Bell n’entend pas s’étendre sur la question. Il souligne tout de même qu’il fut membre du comité central de l’Union Nationale Camerounaise (Unc), lors du congrès du parti politique en 1975. Mais en 1980, son mandat n’est pas renouvelé pour des raisons qu’il s’est gardé d’avancer. Il assure par ailleurs avoir dépassé le cas du Cameroun dans le cadre de ses visions politiques, et pense maintenant aux Etats-Unis d’Afrique, son idéal qu’il souhaite voir se réaliser, car, selon lui, ça permettrait, entre autres, de sauver le Cameroun «des griffes de la France». Il regrette toutefois avoir sollicité à maintes reprises une entrevue avec le président de la république, mais «jamais de réponse» se désole t-il. Pour conclure, il estime que l’opération Epervier est vaine si elle ne consiste qu’à mettre des gens en prison, le mieux étant d’obliger ces derniers à remettre au moins les trois quarts de ce qu’ils ont volé.

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